Les villes de demain peuvent-elles être sauvées de l’asphyxie ?

Article publié dans la revue « Routes et Transports » éditée par l’Association Québécoise des Transports – Vol. 46 – N°1 – 2017, pages 83 à 86
Résumé
Plus étendues et plus peuplées qu’aujourd’hui, les villes de demain verront la demande de déplacements urbains et péri-urbains exploser.
Structurellement, les transports en commun ne peuvent pas répondre aux besoins de déplacement des populations.
Faute de pouvoir mailler le territoire de façon suffisamment fine, les réseaux de transports en commun ne sont ni rapidement, ni facilement accessibles à la population.
Faute d’une capacité d’accueil suffisante aux heures de pointe, les transports en commun n’offrent pas aux usagers le niveau de confort qu’ils sont en droit d’attendre.
Faute de tarifs insuffisamment bas, les contraintes imposées par les transports en commun ne sont pas compensées.
Ces raisons majeures justifient que la voiture restera encore, dans le futur, le moyen de transport privilégié par les populations pour leurs déplacements urbains et péri-urbains.
Dans ce contexte, la fluidité des déplacements dans les villes de demain et à leur périphérie représente un enjeu majeur si l’on veut éviter que les populations finissent prisonnières de leurs villes.
Pour y remédier, il faudra, inévitablement, augmenter le taux moyen d’occupation des véhicules circulants (covoiturage) et, allonger leur temps moyen d’utilisation (autopartage).
Pour cela, l’idéologie qui a présidé aux choix retenus ces dernières décennies doit être mise à bas. Elle consistait à imposer de plus en plus de contraintes aux automobilistes pour chercher à les faire changer de mode de transport.
De même, certains principes, comme la gratuité de la circulation sur le réseau routier urbain et péri-urbain doivent être clairement remis en question.
Une concentration urbaine toujours plus forte
Depuis plusieurs décennies, un flux migratoire constant fait grossir les villes.
Ainsi, au cours des quarante dernières années (1975 – 2015), le nombre de zones urbaines de plus de 10 millions d’habitants – les mégacités – est passé de 4 à 29.
En 2015, ces zones regroupaient déjà, 6% de la population mondiale et les huit premières métropoles, appelées désormais « métapoles » par l’ONU, dépassaient chacune les 20 millions d’habitants.
Avec 38 millions d’habitants, Tokyo prend la tête du classement et compte désormais autant d’habitants que l’Océanie, plus d’habitants que bon nombre de pays comme l’Australie ou le Canada, voire même, que certains groupements de pays développés comme le Benelux.
Cet accroissement de la population urbaine n’est pas l’apanage d’un continent ou d’un pays particulier. Il se retrouve sur tous les continents et dans tous les pays.
De surcroît, les nombreuses études prospectives réalisées estiment que cet afflux de population vers les villes, loin de se tarir, se poursuivra inexorablement, pendant encore plusieurs décennies car, plus les villes sont peuplées, plus leur pouvoir d’attraction est fort et, plus le pouvoir d’attraction des villes est fort, plus le flux migratoire vers ces villes est soutenu et s’amplifie avec le temps.
La boucle est bouclée et s’autoalimente.
Un nombre de déplacements qui explose
Plus les villes sont peuplées, plus le nombre de déplacements urbains est élevé non seulement, au niveau, des villes elles-mêmes mais également, à leur périphérie comme nous le montre déjà quotidiennement, la difficulté que nous avons à accéder aux centres urbains.
Plus le nombre de déplacements urbains est fort, plus la fluidité du trafic baisse ; l’urbanisme restant durablement figé dans le temps.
Si l’on veut éviter la paralysie et l’asphyxie des villes notamment au niveau économique, au niveau environnemental et en termes de santé publique, la fluidité des déplacements doit constituer une priorité absolue pour les décideurs politiques.
L’idéologie qui prévaut depuis plusieurs décennies postulait que la multiplication des entraves et des contraintes imposées à l’utilisation de l’automobile induirait automatiquement un report de la demande vers les transports en commun d’où, une réduction du trafic.
Les mêmes affirmaient, aussi, que les transports en commun pouvaient répondre parfaitement aux besoins des populations.
Méconnaissant la réalité et les contraintes réelles de la population, cette stratégie est un échec cuisant qui se traduit par des centres urbains devenus de plus en plus inaccessibles et de plus en plus embouteillés.
Des transports en commun structurellement inadaptés
Pour répondre efficacement à la demande de déplacements des populations urbaines et péri-urbaines, les réseaux de transports en commun doivent mailler finement le territoire pour éviter aux usagers de devoir utiliser un moyen de transport complémentaire pour effectuer la distance entre leur point de départ et leur point d’entrée sur le réseau de transport en commun (first mile) et, entre leur point de sortie du réseau de transport en commun et leur destination finale (last mile).
La gestion des extrémités d’un trajet est un critère essentiel au moment de choisir le moyen de transport à utiliser pour effectuer le déplacement.
Plus le first mile et /ou le last mile sont longs et/ou plus les points d’entrée et de sortie du réseau de transports en commun sont contraignants (stationnement inexistant, insuffisant, inadapté ou trop cher), moins le transport en commun est attractif pour effectuer un déplacement.
Pour répondre aux besoins de déplacements des populations urbaines et péri-urbaines, la disponibilité et la fréquence de passage des transports en commun doivent aussi être adaptées à leurs contraintes personnelles et professionnelles afin que leurs déplacements soient les plus rapides possibles.
Enfin, la politique tarifaire des transports en commun doit être suffisamment incitative pour, a minima, compenser les contraintes des transports en commun comme l’absence de flexibilité.
Assurément, les transports en commun sont, structurellement, loin de pouvoir répondre à toutes ces exigences.
Une anticipation inadaptée rend la situation insupportable
L’horizon d’analyse des besoins en matière d’infrastructures de transport intègre toujours, très imparfaitement, l’évolution, à moyen et à long terme, de l’implantation des populations dans les centres urbains.
Malheureusement, une fois les populations installées, le déploiement de nouvelles infrastructures de transport urbain est très difficile, juridiquement, techniquement et économiquement.
A cet égard, on se rappellera les difficultés rencontrées par le baron Haussmann pour rénover le paysage urbain d’un Paris qui, à cette époque, ne comptait qu’un million d’habitants placés, de surcroît, sous un régime autoritaire !
Pour des raisons économiques, le maillage du territoire par le réseau de transports en commun, déjà insuffisamment fin à l’origine pour constituer un réel service de proximité, ne pourra pas suivre la croissance urbaine et éloignera, chaque fois un peu plus, les habitants des transports urbains (New York aura attendu près d’un siècle pour l’extension vers l’est de Manhattan de trois stations de métro).
A fortiori, la capacité d’accueil du réseau de transports en commun ne pourra pas satisfaire, aux heures de pointe, la demande de déplacement des populations et moins encore, avec un bon niveau de confort et de sécurité.
En résumé, les transports en commun ne pourront jamais répondre aux besoins de déplacement et aux exigences de la population urbaine et péri-urbaine.
La voiture : une réelle nécessité
Palliant les insuffisances des transports en commun, l’automobile progresse d’autant plus dans les zones urbaines et péri-urbaines que celles-ci sont plus peuplées.
Cependant, plus le nombre de voitures circulant dans les villes et à leur périphérie est grand, plus les embouteillages sont fréquents et plus la durée des trajets est longue.
La pollution émise y atteint des sommets et sa nocivité est renforcée par le fait que dans les villes, les immeubles freinant la dispersion des polluants par le vent, les polluants émis restant plus longtemps in situ.
Malgré l’impact, de plus en plus difficile à supporter, au niveau économique, social, sociétal, environnemental et en termes de santé publique, il convient, plutôt que de rejeter l’utilisation de la voiture, de rechercher comment utiliser au mieux cette extraordinaire capacité de transport, aujourd’hui largement inexploitée.
L’augmentation du temps moyen d’utilisation des véhicules
Avec moins de 45 minutes par jour, le temps moyen d’utilisation d’une automobile est inférieur à 3% du temps.
De nombreuses expériences de voitures partagées (car-sharing) ont vu le jour ces dernières années.
Même si leur point d’équilibre économique est encore loin d’être atteint d’après les dernières publications financières des leaders de ce segment, le marché des solutions visant à augmenter le temps d’utilisation des véhicules est très porteur.
Cependant, l’automobile étant un marqueur identitaire fort, le frein le plus puissant à la voiture partagée reste l’intensité de la relation émotionnelle pouvant exister entre la voiture et son propriétaire.
Le développement de la voiture sans chauffeur, l’augmentation croissante des assistances au conducteur et celle du véhicule partagé est en train de transformer, peu à peu, cette relation émotionnelle.
Conscients du risque que cela représente pour leurs productions, les fabricants d’automobiles cherchent « comment enchanter à nouveau l’utilisation de la voiture par la relation avec le monde qui l’entoure » ; question qui a été au centre des débats du congrès CONFERE 2016.
L’augmentation du taux moyen d’occupation des véhicules circulant
Aujourd’hui, le taux moyen d’occupation des véhicules circulant aux heures de pointe étant de 1,1 pour un maximum proche de 5, une grande capacité de transport disponible reste inutilisée.
Les plateformes de covoiturage se sont fortement développées au cours des dernières années mais aucune ne propose de coordonner plusieurs véhicules successifs pour offrir un covoiturage de porte-à-porte.
Or, la gestion du first mile et du last mile étant un critère de choix d’autant plus décisif que le déplacement est court, le covoiturage urbain et péri-urbain, n’a pas encore trouvé sa place réelle notamment pour les trajets domicile – travail.
Dès janvier 2017, l’application GOVOIT bouleversera la donne.
Elle offrira à ses abonnés de se déplacer de porte-à-porte, en coordonnant automatiquement plusieurs véhicules successifs pour effectuer l’intégralité d’un trajet.
De cette façon, GOVOIT apporte aux passagers le même niveau de confort et la même flexibilité que leur propre véhicule mais, à un prix moins cher qu’en transport en commun.
Son modèle économique d’abonnement permet de sélectionner les abonnés pour assurer la sécurité de tous.
Des frais variables dépendant de la distance parcourue s’ajoutent à l’abonnement. Payés par les passagers, ils sont reversés intégralement aux conducteurs.
Aujourd’hui, les décideurs politiques et économiques disposent, avec GOVOIT, de l’outil capable d’améliorer rapidement la fluidité du trafic dans les zones urbaines et péri-urbaines dans l’intérêt des états, des entreprises et de la population.
L’utilisation gratuite du réseau routier doit être reconsidérée
Tous les modèles imposant des restrictions de circulation, sous une forme ou sous une autre, ont abouti à des embouteillages de plus en plus fréquents et de plus en plus longs à résorber, à l’intérieur comme à l’approche des villes.
L’impact des péages urbains mis en place, sans alternative, dans différentes capitales comme Londres ou Stockholm, doit être analysé de façon beaucoup plus approfondie pour en mesurer plus précisément l’efficacité.
De la même façon, de nombreuses villes continuent à soutenir, chaque année, à coup de dizaines voire de centaines de millions d’euros, des transports en commun structurellement inefficaces.
Les véhicules partagés et le covoiturage coordonné permettent aux états et aux villes de supprimer l’utilisation gratuite du réseau routier urbain et péri-urbain.
Le péage collecté financerait le rétablissement de l’égalité entre les différents modes de déplacement, en fonction de leur efficacité à assurer la fluidité du trafic.
Le cercle vertueux amorcé deviendrait alors durable.
En conclusion
Les villes de demain étant plus peuplées, les déplacements urbains et péri-urbains y seront plus nombreux.
Les transports en commun étant toujours en retard sur les besoins de la population, l’automobile restera, plus que jamais, le moyen de transport privilégié.
La fluidité des déplacements deviendra un problème majeur si l’on n’augmente pas le taux moyen d’occupation des véhicules circulants et/ou le temps moyen d’utilisation des véhicules.
En permettant le covoiturage de porte-à-porte, l’application GOVOIT ouvre la voie au covoiturage de masse.
La mise à péage du réseau routier urbain et péri-urbain financerait le lancement de ces solutions déjà très rentables pour les états.
Bien évidemment, pour pouvoir vivre et se déplacer facilement dans les villes de demain, des mesures, au-delà du domaine du transport, doivent aussi être envisagés comme celles relatives à l’urbanisme et à l’organisation du travail.
C’est à ces conditions que les villes de demain resteront encore vivables.