Uber : un soufflet qui retombe déjà

Pour offrir un service similaire à celui des taxis, à un prix très inférieur, UBER a eu l’idée d’utiliser les véhicules des personnes disposant de temps libre.
Mais, acheter du temps libre à prix cassé n’a qu’un temps.
Uber : un concept simple
Observant que la situation économique actuelle rend les fins de mois de plus en plus difficile à boucler pour un nombre chaque jour plus grand de personnes et que, dans le même temps, nombreux sont ceux qui disposent d’une voiture et de temps libre, UBER a eu l’idée de leur proposer de vendre leur temps libre à ses clients.
Version américaine de la formule devenue célèbre pour tous les français : « travailler plus, pour gagner plus » … avec le succès que l’on connait.
Une équation économiquement intenable
Pour pouvoir imposer son offre, UBER s’est concentré sur les coûts pour créer un différentiel important avec le prix du même service disponible sur le marché.
Pour réduire ses coûts au maximum, UBER a employé deux leviers :
- le recours exclusif à des travailleurs indépendants ;
- une rémunération très en deçà du minimum.
Le recours à des travailleurs indépendants permet à UBER de réduire fortement ses frais de gestion du personnel et ceux de ses obligations sociales et fiscales, qui sont transférés aux travailleurs indépendants ; à charge pour eux d’en faire leur affaire et, éventuellement, de supporter les conséquences des contrôles pouvant être effectués par les administrations dont ils dépendent.
La rémunération très en deçà du minimum, se justifie par le postulat simpliste suivant « puisque vous temps libre ne vous rapporte rien, il ne vaut donc pas grand-chose. Si je vous propose de vous le rémunérer même chichement, vous êtes gagnant ».
Uber : le retour un capitalisme rétrograde
Dès 1914, Henry Ford avait montré qu’une réduction de la durée journalière du travail et le repos dominical amélioraient la productivité des employés.
Pour s’affranchir de cette contrainte, Travis Kalanick, le PDG d’UBER, jette un voile sur les conditions de travail et de vie de ses travailleurs en n’utilisant que des travailleurs indépendants qu’il est possible d’exploiter au maximum, en fermant bien les yeux sur leurs contraintes.
UBER, fait ainsi renaître la renaissance du sous-prolétariat contraint de travailler au-delà de l’acceptable pour gagner quelques piécettes supplémentaires qui feront survivre les chauffeurs d’UBER.
La résistance s’organise au niveau juridique
Aux Etats-Unis, les 160.000 chauffeurs utilisés par UBER ayant bien compris qu’UBER les exploitait de façon intolérable, ont chargé Shannon Liss-Riordan de les défendre.
La réussite récente de cette avocate contre LYFT, le principal concurrent d’UBER, à obtenir la requalification des travailleurs indépendants de LYFT en salariés n’augure rien de bon pour UBER qui, pour affronter cette épreuve, a engagé une armée de lobbyistes et de juristes.
Evidemment, une telle requalification modifierait substantiellement les coûts d’UBER et rendrait son offre beaucoup moins agressive qu’actuellement.
L’écart de prix avec l’offre disponible sur le marché concurrentiel serait alors inférieur à 10%.
La résistance s’organise au niveau technique
Les commissions retenues par UBER s’élèvent entre 20 et à 25 % du prix payé par le client.
De surcroît, les sommes dues aux chauffeurs ne leur sont payées qu’une fois par semaine alors que leurs coûts, principalement l’achat du carburant, doivent être payés au comptant par eux.
Face à ces conditions, considérées par ses chauffeurs comme disproportionnées par rapport à la valeur ajoutée apportée par UBER, certains chauffeurs se sont cotisés pour développer une plateforme similaire à celle d’UBER.
Le développement informatique de cette plateforme a été d’autant rapide que la complexité technologique de ce type de plateforme est faible et que les bases de cette application est largement accessible.
La concurrence est alors directe et frontale entre UBER et ses ex-chauffeurs.
De surcroît, cette nouvelle plateforme prélève une commission de moitié de celle d’UBER.
En conclusion
- Si UBER est devenu, en quelques années, un colosse valorisé à plus de 50 milliards de dollars, ses pieds sont assurément d’argile et les nuages s’amoncèlent sur UBER.
- Sa « matière première » – ses chauffeurs – lui coûtera assurément plus chers dans le futur et rendra son offre nettement moins compétitive.
- Ses commissions trop élevées ont poussé ses ex-chauffeurs à établir une plateforme concurrente, d’autant plus facile à réaliser que son niveau technologique est faible ; ce qui n’est pas le cas d’autres plateformes notamment, celles proposant du covoiturage urbain multipoints.
Ce qui pourrait sauver UBER, c’est la voiture automatisée, puisqu’il lui serait alors possible de se passer de ses chauffeurs sous-payés. Mais UBER peut-il attendre la commercialisation de ces véhicules qui sont une réalité sur le plan technologique ? Il semblerait bien que non.